Virus, quand l'alarme retentit

(UCLouvain press office)

8/10/2018

Le Pr Thomas Michiels dirige le laboratoire de virologie fondamentale à l’Institut de Duve (UCLouvain). Le projet EOS qu’il coordonne, lancé en collaboration avec des équipes de l’UGent, l’ULiège, et la KU Leuven, a pour objectif de comprendre comment les virus contournent les défenses immunitaires. Plus particulièrement, ce sont les interactions entre les molécules d’ARN virales et la réponse innée de l’hôte qui intéressent les chercheurs. 

Certains virus ont un génôme ADN et certains virus ont un génôme ARN, mais tous les virus produisent des molécules ARN qui peuvent interférer avec le fonctionnement des cellules et les mécanismes de défense immunitaire. Lorsqu’une cellule détecte l’ARN, elle déduit qu’il y a infection par un virus et enclenche un programme de défense pour se protéger ainsi que les cellules voisines. Mais la détection d’un ARN double brin est extrêmement sensible, des cellules normales produisant aussi une petite quantité d’ARN double brin. Il faut absolument éviter que nos cellules ne détectent cet ARN endogène comme le signal d’une infection virale, sinon elles enclenchent un programme de réponse immune qui, chroniquement, devient catastrophique. Par exemple, certaines personnes synthétisent en permanence de l’interféron, ce qui cause de graves problèmes de développement et des retards mentaux, et mène inéluctablement à une mort prématurée. 

 « Ce qui nous intéresse, ce sont les mécanismes qui font « balance » entre les protéines cellulaires, qui vont faire en sorte que l’on on n’atteigne pas le seuil de détection dans des cellules normales, mais qui font que l’on arrive à détecter l’infection d’un virus quand il y en a une. » explique Thomas Michiels. Les chercheurs ont notamment identifié une enzyme qui déstabilise le gêne double brin endogène pour éviter que la réponse ne se mette en marche, et d’autres senseurs de cet ARN double brin, dont une enzyme qui s’active en cas de production de l’ARN double brin signalant une infection. 

L’une des forces de la collaboration ? La diversité des modèles viraux étudiés ; les flavivirus, comme Zikka ou la Dengue (KU Leuven), l’Hépatite E (UGent), le virus de la grippe et le virus respiratoire syncytial (UGent), ou encore un virus à ADN notoire pour produire de l’ARN double brin reconnu par le système immunitaire (ULiège). À l’UCLouvain, ce sont picornavirus qui occupent les chercheurs. Et plus particulièrement le virus de Theiler, un virus à ARN négatif qui provoque des infections persistantes du système nerveux. Il a la particularité de persister malgré une réponse immunitaire, et produit de petites protéines qui interfèrent avec le fonctionnement des cellules et cette réponse immunitaire innée. « Nous essayons de voir comment notre virus interfère avec ce système immunitaire tout en sachant que le virus agit sur des composants cellulaires qui jouent des rôles critiques dans la régulation du fonctionnement de la cellule. Les virus évoluent à toute vitesse, se répliquent très rapidement et mutent très facilement, pour aller toucher là où ça fait mal. En étudiant comment un virus interfère avec le fonctionnement de la cellule, on arrive souvent à comprendre certains éléments du fonctionnement de la cellule elle-même», détaille Thomas Michiels.

Projet : Viral interference with RNA sensing and processing

 

EOS, the Excellence Of Science: ce que les chercheurs en pensent

Souplesse des budgets  
Thomas Michiels loue le programme Eos pour sa souplesse : «Nous pouvons répartir les budgets au fur et à mesure du déroulement du projet, en fonction des besoins, qu’ils soient humains ou matériels. C’est LA révolution».

Soutien technique
«Pour la plupart des projets, les climatologues font tout eux-mêmes, y compris développer les modèles. Pourtant, on a besoin du soutien technique des informaticiens. Ce projet nous permet de nous concentrer sur ce que l’on fait de mieux, la physique, et de bénéficier de l’aide de développeurs», explique Hugues Goosse (climatologue, UCLouvain).

Durée qui fait sens  
L’autre confort ? La durée du financement. Pour Thomas Michiels : «4 ans, ça permet de vraiment se concentrer sur son travail. C’est ce dont on manque le plus en recherche fondamentale».

Talents internationaux
Le financement conséquent permet d’engager de jeunes chercheurs prometteurs. Par exemple, dix doctorants et 5 post-doctorants issus de la scène mondiale de la physique vont rejoindre le projet coordonné par Fabio Maltoni (physicien, UCLouvain).

Collaborer pour mieux chercher
Les moyens mis à la disposition des chercheurs et le fait qu’il s’agisse d’une collaboration entre plusieurs institutions aux expertises reconnues donnent une réelle opportunité aux équipes belges d’avoir un impact sur la scène internationale dans ce secteur très compétitif. «On ne peut pas lancer ce type de projets sans collaborateurs de la Belgique entière», rappelle le Pr Maltoni.

 

 

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