Dans nos organes, les cellules sont entourées de matrice extracellulaire, un assemblage composé de macromolécules variées, notamment les collagènes. Notre objectif est de comprendre comment les cellules remodèlent ou renouvellent leur matrice extracellulaire environnante. Nous nous intéressons particulièrement aux changements que subit la muqueuse utérine, l’endomètre, principalement pendant la menstruation cyclique ou dans le cadre de pathologies liées à l’endomètre, comme les saignements utérins intempestifs et l’endométriose.

La matrice extracellulaire est une structure dynamique

Nos organes sont constitués de cellules entourées de matrice extracellulaire (MEC). La MEC joue un rôle central dans l'organisation structurelle et fonctionnelle des tissus et des organes. Les composants de la MEC, notamment les collagènes, sont les protéines les plus abondantes du corps humain. La MEC sert non seulement à assurer la cohésion entre les cellules mais elle constitue également un réservoir de molécules signalisatrices et entretient des relations dynamiques avec les cellules en contact. Tout au long de la vie humaine, les cellules produisent et sécrètent des composants de la MEC ainsi que des enzymes capables de les scinder spécifiquement. La synthèse et la dégradation de la MEC doivent donc être étroitement équilibrées localement pour assurer une composition matricielle optimale en accord avec les structures et les fonctions des organes. A cette fin, les cellules doivent intégrer différents signaux régulateurs, notamment ceux fournis par le contact avec la MEC, par des messagers moléculaires provenant de cellules environnantes et par des hormones circulantes. Plusieurs maladies sont causées par un déséquilibre entre synthèse et dégradation de MEC, par exemple l’ostéoporose (dégradation excessive) ou l’ostéopétrose (synthèse excessive). De plus, le développement de nombreuses pathologies nécessite des événements locaux de remodelage matriciel, notamment la progression tumorale et le développement de métastases.

 

Le renouvellement cyclique de l’endomètre humain

L'utérus humain est un organe remarquable. Tous les mois environ, au cours de la vie sexuelle active, la muqueuse utérine (l'endomètre) subit un cycle au cours duquel elle est réparée, épaissie, puis modifiée afin de permettre l'implantation d'un embryon et enfin partiellement dégradée s’il n’y a pas eu implantation. Ce cycle, dit « menstruel », est orchestré par les variations des concentrations des hormones sexuelles œstrogènes et progestérone. En résumé, une production accrue d’estrogènes quelques jours après le début de la menstruation induit l’épaississement de l'endomètre. Une dizaine de jours plus tard, une augmentation du taux de progestérone induit des modifications de l'endomètre. Ces modifications visent à faciliter l'ancrage et l'implantation d'un embryon à partir de la surface endométriale, une opération indispensable à la poursuite de son développement. En cas d’implantation fructueuse, les cellules du placenta font en sorte que la production de progestérone soit maintenue tout au long de la grossesse. Mais en l'absence d'implantation, la concentration en œstrogènes et en progestérone chute dans la circulation et dans les organes cibles. Dans l'utérus, ce signal provoque la dégradation rapide de la MEC endométriale, avec comme conséquence le délitement des parties superficielles de l'endomètre et la rupture de petits vaisseaux sanguins. Au début des années 1990, notre laboratoire a découvert que cette destruction de la MEC endométriale pendant la menstruation est due à l'action d'une classe d'enzymes, les métalloprotéinases matricielles (MMPs). L’importance du contrôle local est ici parfaitement illustrée. En effet, malgré l’agressivité des enzymes libérées, l’étendue de cette destruction tissulaire est strictement régulée à l’échelle cellulaire et le reste de l’utérus ne subit aucun dommage pendant la menstruation. Les débris de tissus et le sang sont ensuite éliminés à l'extérieur du corps. La synthèse d'une nouvelle MEC et la réparation du tissu (le plus souvent sans cicatrice) commencent déjà pendant la menstruation. Un nouveau cycle de croissance et de modifications peut débuter.

 

Les pathologies endométriales

Chez les patientes souffrant de saignements utérins intempestifs, la dégradation de la MEC endométriale échappe au contrôle hormonal et s’observe en dehors de la période attendue. Les mécanismes défaillants ne sont pas encore bien identifiés.

Chez les patientes souffrant d’endométriose (environ 10% de la population féminine), des petits morceaux d’endomètre se retrouvent en dehors de l’utérus, notamment dans la cavité péritonéale où se trouvent les ovaires. Une origine probable de ces implants tissulaires résulterait de la migration rétrograde (à contre courant) de fragments endométriaux menstruels dans les trompes de Fallope. Les lésions d’endométriose ne sont pas problématiques de nature. Par contre, elles peuvent engendrer gêne et douleur selon leur endroit d’implantation et parce qu’elles continuent à se modifier cycliquement en réponse aux fluctuations des taux d’hormones sexuelles qui leur parviennent par la circulation. L’endométriose est également associée à une infertilité par un mécanisme encore mal connu. Il pourrait être secondaire aux remaniements inflammatoires de la cavité péritonéale induits par les lésions d’endométriose. Il pourrait aussi impliquer des anomalies de l’endomètre in situ.

 

Nos recherches

L'objectif général de nos recherches est de comprendre les mécanismes moléculaires par lesquels les cellules de l'endomètre contrôlent la dégradation et la réparation précoce de la MEC pendant la menstruation. Par extension, nous cherchons également à déterminer comment une défaillance de ces mécanismes contribue à l’apparition des saignements intempestifs et des lésions d’endométriose.

Cependant, une menstruation manifeste (c'est à dire avec saignement externe) ne se produit que chez les femmes et chez un nombre très limité d'autres espèces évolutivement proches telles que les grands singes (chimpanzé, orang-outan,...). Contrairement à d’autres équipes de recherche qui étudient le remodelage endométrial de la souris, ce qui limite leur extrapolation à l’humain, nous avons choisi de réaliser toutes nos expériences sur des spécimens d’hystérectomie humaine (ablation chirurgicale de l’utérus). Cette spécificité est permise par notre grande proximité du service de gynécologie des Cliniques universitaires Saint-Luc. Depuis notre découverte du rôle majeur des MMPs, nos recherches ont permis d’identifier certaines molécules agissant comme régulateurs locaux de la production ou de l’activité de ces MMPs, en réponse aux fluctuations hormonales. Il s’agit principalement de cytokines, dont l’interleukine-1α, les TGF-β et le Lefty-A. Depuis quelques années, nous nous intéressons également de plus près à la transition entre dégradation et réparation précoce de la MEC au cours de la menstruation.

En résumé, à partir des résultats de nos recherches fondamentales, nous souhaitons identifier de nouvelles pistes thérapeutiques pour les pathologies endométriales, mais nous veillons aussi à extrapoler nos découvertes à des pathologies non-utérines découlant d’un déséquilibre entre synthèse et dégradation de la MEC.

The extracellular matrix (ECM) plays a central role in the structural and functional organization of tissues and organs. ECM degradation is the initial step of physiological tissue remodeling and requires a tight regulation that is escaped in several pathologies. The cycling human endometrium is a remarkable example of physiological ECM remodeling under hormonal control and represents a unique experimental model to investigate underlying mechanisms. Our laboratory was the first to demonstrate that menstrual bleeding is due to a dramatic change in the focal expression and/or activation of enzymes called matrix metalloproteinases (MMPs). Our current investigations aim at (i) clarifying the mechanisms of local regulation of tissue remodeling in the cycling human endometrium, in particular through cellular interactions, (ii) investigating the role of MMPs in abnormal uterine bleeding by developing a model of human endometrial xenografts in immunodeficient mice and (iii) investigating the control of local MMP activity by individual cells, in particular through cell membrane binding and endocytosis. Our experimental strategies combine various technologies including morphological and biochemical examination, cell and explant culture, animal model, molecular biology, confocal microscopy, …

 

1. Local control of tissue breakdown and repair

Both endocrine and paracrine factors participate in controlling the expression of MMPs involved in menstrual breakdown of the human endometrium. Several genes encoding MMPs and cytokines show maximal endometrial mRNA concentrations around menstruation. However, their expression profiles substantially diverge during the other phases of the cycle, indicating a differential response to the ovarian steroids, estradiol and progesterone. Moreover, menstrual breakdown is limited to the superficial part of the endometrium, further suggesting the contribution of local regulators that integrate hormonal impregnation and local environmental changes. We recently compared the transcriptome of the superficial and basal layers of the menstrual endometrium. The data suggested new potential actors of the regulatory network at menstruation, not only for tissue breakdown but also for early tissue repair.

 

2. Endometrial xenografts and abnormal uterine bleeding

Metrorrhagia, i.e. abnormal endometrial bleeding, occurs spontaneously in many women without obvious organic lesions and is more frequent in patients on long-term progesterone contraception. In both conditions, we found that metrorrhagia is associated with menstrual-like stromal breakdown, particularly in foci containing low levels of ovarian steroids receptors, correlating with increased expression and activity of several MMPs. We have recently developed endometrial xenografts in immunodeficient mice. This new experimental model should enable us to further investigate the mechanisms of physiological and abnormal endometrial bleeding, endometrial angiogenesis and vessel maturation through pericyte recruitment.

 

3. Membrane control of MMPs activity

After activation, MMPs activity is generally controlled by soluble inhibitors (TIMPs) but can also be regulated by endocytosis. Looking at mechanisms of MMPs clearance, we found that RAP, a natural antagonist of the low-density lipoprotein receptor-related protein (LRP-1), causes a strong accumulation of some MMPs in the conditioned medium of endometrial explants. Although LRP-1 mRNA is fairly stable during the menstrual cycle, the protein level of LRP-1 is minimal at menses. Thus, LRP-1-mediated endocytosis of MMPs could represent an additional regulatory mechanism of MMPs activity during the menstrual cycle, in synergy with TIMPs. Current projects aim at investigating the mechanisms of post-translational control of LRP-1.

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